La philosophie du Hadj à la lumière du Coran et de la Sonna Sermon d’Arafat à l’Edition 2022 du Hadj

Dr Khadim SYLLA

Ancien Délégué Général Adjoint au Pèlerinage

Au nom d’Allah, Le Clément, le Miséricordieux. Gloire à Allah Seigneur des Univers.

 Que le salut et la bénédiction soient accordés au plus noble des Messagers, à sa famille, à ses compagnons et aux suiveurs de leurs traces, jusqu’au jour de la Vérité.

Chers invités d’Allah ; vous qui avez répondu à Son appel :

           Asalaamu alaykum wa rahmatul laahi wa barakaatuhuu

Permettez-moi, tout d’abord, de vous féliciter à l’occasion de ce Hadj, suite aux deux dernières éditions qui furent parmi les plus difficiles dans l’histoire de l’Islam. Aucun pèlerin d’extérieur n’avait pu effectuer le voyage depuis 2019, à cause de la virulence du Covid-19 qui n’a épargné rien ni personne. Heureusement, Allah vous a « sélectionnés », mal gré bon gré l’existence de ce fléau, parmi des millions de fidèles fournissant tout effort imaginable. Qu’Allah soit Loué !

Chers pèlerins sénégalais :

A cause des différents obstacles, dont le temps court entre l’annonce de la tenue du Hadj, la date du voyage et les lots de difficultés corolaires, l’édition de cette année est exceptionnelle, à tout égard. Mais, en dépit des problèmes, et notamment la cherté du package relativement aux éditions précédentes, vous avez surmonté toutes ces épreuves, dans le seul but de répondre à l’appel d’Allah.

Cet appel solennel d’Allah fut lancé par Ibrahima, référent de tous les Messagers, Seydina Mouhammad (PSL) en premier lieu, et Le Seigneur lui garantit l’afflux des fidèles de tout bord, par différents moyens de transport. Certains iront même à pieds. Mieux, tous les venants y trouveront des gains de toute nature, proportionnellement à leurs prédéterminations et leurs dévouements dans l’exécution des rites.

Honorables pèlerins ;

Le Hadj est un rite à dominante éducative ; spirituelle, morale, psychologique et pécuniaire. Le Pèlerinage englobe, en son sein, tous les actes dont le Prophète (PSL) usait pour élever, intérieurement, ces différents compagnons, dans leurs cheminements spirituels. Du coup, ce pilier sert pour une retraite spirituelle qui qui a pour objet d’assurer une éducation durable du fidèle, après son retour au pays. Nous allons vous proposer, en quelques mots, les différents aspects de cette éducation :

  • L’éducation spirituelle :

Rappelons que les délices les plus désirés deviennent prohibés, dès la sacralisation. Ainsi, le pèlerin s’abstient des beaux vêtements, des bijoux, des rapports charnels et d’autres comportements tolérés en temps normal.

Hormis ses piliers (Tawaaf, Çafa et Marwa et Arafat), obligations et autres rites, le Hadj nous recommande le dhikr (invocation d’Allah), en respect de la formule de labbayka prononcée dès l’entame du Pèlerinage. Cette formule consiste à s’engager fermement à l’adoration d’Allah, L’Unique Divinité, par l’attestation de Son Unicité et la reconnaissance de Ses grâces. Dans ce sillage, le Tout-Puissant alerte le fidèle et lui recommande de bien gérer le temps, après Arafat et entre les périodes d’exécution des rites, en récitant les Noms Sublime du Créateur. Il dit à ce sujet :

    – « Quand vous déferlez depuis Arafat, invoquez Allah à Al-Machar Al-Haram [Mouzdalipha] et invoquez-Le, parce qu’Il vous a montré la bonne voie » La Vache/198.

    – « Invoquez Allah pendant des jours déterminés ». La Vache/203.

    – « Prononcez donc sur eux [sacrifices] le nom d’Allah quand ils ont eu la patte attachée [prêts à être immolés] ». Le Pèlerinage/36.

Force est de constater que cette éducation a pour objet d’élever l’âme du musulman dans son ascension spirituelle.

  • L’éducation morale :

Allah dit :

« Le Hadj a lieu dans des mois connus. Si l’on se décide de l’accomplir, alors point de rapport sexuel, point de perversité, point de dispute pendant le Pèlerinage ». La Vache/197. Cela dit, les querelles sont formellement interdites.

En outre, quand le pèlerin quitte Médine en partance pour La Mecque, il rencontre, pour la première fois, des gens avec qui il sera obligé de cohabiter. Pourtant, d’aucuns sont nerveux, d’autres irrités et de mauvais humeur. La tolérance et l’endurance devront l’emporter sur la revendication. Au lieu de commettre l’injustice, il faut faire preuve de dépassement, non seulement avec les hommes, mais également, avec les pouces et fourmis qui mordent le pèlerin. C’est le sens de la rectitude aussi bien entre le serviteur et son Seigneur qu’avec les autres, quel que soit le rapport qui les lie : parenté, voisinage, travail, loyer, etc.

  • L’éducation pécuniaire :

La dépense de son argent pour l’agrément d’Allah constitue un moyen d’élévation qui a valu à nombre d’élus d’accéder au cercle céleste restreint. L’exemple d’Abou Bakr est illustratif. Lorsqu’il est désigné comme Khalife, suite au rappel à Allah du Prophète, personne n’a exprimé son désaccord, eu égard à ses œuvres, en matière de dépense dans la cause de l’Islam. Mais, cette reconnaissance n’est pas due à ses prières, son jeûne ou autres actes de culte obligatoires. Allah dit : « Vous n’atteindrez pas la bonneté pieuse que si vous faites largesses de ce que vous chérissez. ». Famille Imran/92. Dans un autre passage, Il enrichit : « La bonneté pieuse est de… donner son bien, quel qu’amour qu’on a ait, aux proches, aux orphelins, aux nécessiteux… ». La Vache/177.

Le pèlerin décaisse de grosses sommes, pour couvrir le tarif du billet et les autres frais dus au séjour, au transport et à la restauration. Le tout, dans le but d’atteindre l’agrément d’Allah. De retour du Hadj, il doit perpétuer ce comportement de générosité et de partage.

  • L’éducation sociale

Le Hadj contribue au tissage et à la consolidation des rapports sociaux entre les pèlerins d’horizons éloignés les uns des autres. Ainsi, les désormais nouveaux amis se rendront des visites, se donneront en mariage leurs filles et sœurs et nomment leurs enfants en l’honneur des uns et des autres.

Vous êtes appelés, chers pèlerins, à renforcer les liens déjà tissés avec vos « jumeaux du Hadj » et les conserver au sortir de ce congrès religieux.

  • Les intérêts économiques :

Le Hadj génère d’énormes gains économiques. Car, les pèlerins de différentes localités sénégalaises (Kadior, Saloum, Baol, etc) s’échangent d’expériences en matière d’agriculture, de commerce, d’élevage et de métiers, suivant le verset coranique : « Pour participer aux avantages qui leur ont été accordés ». Le Pèlerinage/28. Tout de même, le plus important de tous les avantages du Hadj se résume en la piété, comme le dit le Saint Coran : « Et prenez vos provisions. Mais, vraiment, la meilleure des provisions est la piété. ». La Vache/197.

La piété :

Les chefs religieux doivent se servir des exemples de nos aïeux vertueux, tels El Hadji Mamadou Lamine Dramé, El Hadji Oumar Foutiyou, El Hadji Malick Sy, El Hadji Abdoulaye Niasse, Mame Cheikh Anta Mbacké, Serigne Fallou Mbacké, Serigne Mbacké Bousso, El Hadji Ahmadou Dème de Sokone, El Hadj Mouhamed Saïdou Ba de Gounas, El Hadji Ibrahima Niasse, Cheikh Mouhamed Hady Touré, El Hadji Abdoul Aziz Dabakh Serigne Cheikh Gaïndé Fatma, pour ne citer que ceux-ci. Par « Taqwa », chacun de ces illustres a considérablement redoublé d’efforts dans le service de l’Islam et de sa communauté, après son retour du Hadj. De ce fait, nous pourrons dire qu’il y a dans la vie de chacun d’entre eux, un avant et un après Hadj.

La religion et la communauté ont besoin des efforts des marabouts dans l’enseignement et l’éducation des jeunes, beaucoup plus qu’elles n’en avaient auparavant, vu la menace réelle qui pèse sur les deux actuellement. En cela, il faut que ces distingués travaillent diligemment dans l’éducation des enfants sous leur tutelle.

Les imams, oulémas et enseignants devront, également jouer leur partition dans ce processus d’initiation, tout en commençant par eux même et leur famille. Parce que l’imitation du comportement est la meilleure des manières d’apprendre. Il faut également revoir la mission des mosquées qui devront traiter toutes les questions de la société, comme la médiation sociale, la sensibilisation des riches à l’Aumône légale et au partage, pour subvenir aux besoins des plus démunis.

Les gouvernants, aussi, ont une lourde responsabilité envers leurs gouvernés pour qui ils doivent ouvrir leurs portes, leurs téléphones et leur tendre les oreilles, avec modestie, et abnégation requises dans l’exercice de leur mission, sans avoir demandé ou reçu de contrepartie. Sinon, ce serait de la corruption. Car, les biens publics sont propriétés de tous les citoyens. Le Prophète (PSL) dit : « chacun de vous est berger et responsable de son troupeau ». Bokhari, Hadith 2409. Ladite responsabilité est applicable aux directeurs, chefs de service, de quelque niveau qu’il soit. Tous doivent mettre en exercice les enseignements du Hadj à l’endroit de leurs employés ou subordonnés.

Les riches ont, de leurs côtés, une leçon morale formidable à retenir de la sacralisation qui renvoie à l’origine de l’homme, à sa naissance, à l’égalité humaine. La richesse n’est effort de personne, mais, plutôt la volonté d’Allah.

    Chers frères et sœurs pèlerins ;

Ayons dans l’esprit ce jour béni d’Arafat où nous sommes présents ainsi que les moments qui s’en suivront comme Mouzdalipha et la circumambulation à La Mecque. C’est après que nous retournerons à Mouna pour y passer deux ou trois jours, avant de regagner la Ville sainte et de préparer le retour au pays.

La place des guides religieux dans la stabilité du Sénégal

Le Sénégal est privilégié par Allah parmi tous les autres pays du monde, Avec ses 95 % des musulmans appartenant aux entités dont les guides sont, religieusement, écoutés et leurs instructions bien suivies, même en période de crise. A vrai dire, ce pays doit sa stabilité à ces guides religieux qui, par leur posture, préservent le Sénégal contre le feu des troubles brûlés un peu partout dans le monde et dans les pays voisins en particulier. Nous sollicitons aux pèlerins et aux concitoyens d’admettre leur place et de leur obéir.

Mais, malheureusement, les ennemis de l’Islam, y compris les imposteurs qui se revendiquent de la religion, œuvrent d’arrache-pied pour éradiquer le « Ndigeul », le « leadership religieux », en tenant des propos déplacés à l’endroit de ces hommes valeureux ; garants de l’héritage du Prophète (PSL) et successeurs des grandes figures musulmanes du Sénégal. Cela va de soi pour nos relations avec les institutions qui symbolisent la République. Nous leur devons l’obéissance, tant qu’ils ne transgressent pas les enseignements islamiques. Allah dit : « Vous qui avez cru ! Obéissez à Allah, au Messager et à ceux qui, d’entre vous, détiennent l’autorité. ». Car, la paix est précieuse, mais, elle n’est appréciée qu’après l’avoir perdue. Allah nous prévient : « Méfiez-vous d’une calamité qui n’affligera, exclusivement pas, les injustes parmi vous ». Butin/25.

Certes, la correction est un devoir religieux, mais, la politesse et le retenu sont indispensables, comme nous le recommande le Saint Coran : « Appelle vers le sentier de ton Seigneur par la sagesse et la bonne exhortation » Abeille/125.

    Aimables concitoyens ;

Notre cher pays subit de transformations brutales et effrayantes, à cause de la délinquance, de la violence et de l’amour d’argent facile. Pire, la référence des jeunes n’est plus que les réseaux sociaux, au moment où les parents ont, presque, démissionné de leur responsabilité. Ce qui exige aux gérants d’écoles coraniques de revenir à l’orthodoxie et d’accorder la primauté à l’éducation, suivant le Prophète (PSL) qui était enseignant et éducateur à la fois : « C’est Lui qui a envoyé, aux illettrés, un Messager des leurs qui leur récite Ses versets, les purifie et leur enseigne le Livre et la sagesse ». Diouma/2. Puisque, le savoir sans la conscience n’a pas d’utilité.

Sur ce, faut-il s’interroger sur l’état actuel. Comment concevoir que, dans un pays de 95 % de musulmans, les informations les plus suivies dans les médias sont les faits divers ? Pire, des groupes imbus du mal s’attachent à partager des contenus de diffamation sur les réseaux sociaux. Or, Allah est catégorique là-dessus : « Ceux qui aiment que la turpitude se répande parmi les croyants auront un châtiment douloureux, ici-bas et dans l’au-delà ». La Lumière/19.

    Chers frères,

Après le séjour de Munaa, chacun retourne à La Mecque et procède à l’achat des valises qui devraient contenir des effets pour les amis et familles et faire le tout pour les protéger. Mais, il faudra autant sécuriser nos récompenses obtenues du Hadj contre les actes blâmables.

A cette occasion, j’appelle tout le monde à éviter de transformer les chambres en meetings et campagnes politiques, bien que l’élection d’un Président ou d’un représentant du peuple soit une obligation. Car, la politique à la sénégalaise consiste à magnifier son mentor et lui attribuer toutes les bonnes qualités, tout en considérant l’autre source de tous les maux du monde. De même, le croyant doit s’abstenir de toute discussion inutile touchant la vie privée des gens. Le défi est d’entrer en compétition dans les bonnes œuvres et non dans les mauvaises actions, telles la médisance et le dispute.

    Chers pèlerins ;

Avant de finir, nous vous présentons nos excuses, au nom du Professeur Abdou Aziz Kébé, Délégué Général au Pèlerinage, pour le désagrément que vous avez vécu, depuis les inscriptions, jusqu’à la fin, en passant par la plateforme, le voyage et le séjour à Médine.

Cet état trouve son explication dans la réduction du quota à 45 %, après deux ans d’arrêt et le ruche des postulants au Hadj. Tellement, nous avons à cœur de servir les invités d’Allah. Mais, l’imperfection est humaine. La Délégation Générale au Pèlerinage vous réitère encore une fois, ses excuses les plus sincères et vous souhaite l’exauce des bonnes œuvres.

Nous saisissons cette opportunité pour féliciter le Président de la République, Monsieur Macky SALL, pour sa vision clairvoyante, ses orientations, sa confiance et son soutien infaillible à la Délégation Générale au Pèlerinage. Qu’Allah lui accorde succès et réussite dans ses services pour le Sénégal et les sénégalais.

Nos remerciements vont également à Son Excellence, Madame Aminata Tall SALL, Ministre des Affaires Etrangères et des Sénégalais de l’Extérieur.

Le Professeur Abdou Aziz KEBE, Délégué Général nous accompagne, depuis Dakar, par ses instructions bienveillantes. Nous lui témoignons notre vive reconnaissance !

J’associe à ces remerciements le personnel qui a participé à la réussite de cette mission, à Dakar comme en Arabie, et notamment, le Consul Général qui n’a ménagé aucun effort. Son apport nous est d’une utilité indescriptible. Qu’il en soit remercié !

Enfin, Nous implorons Allah de faire régner la paix dans notre cher pays, de guider nos responsables vers l’intérêt des gouvernés, de nous accorder un Hadj accompli, des œuvres récompensées, de nous pardonner les péchés et de répandre Sa miséricorde sur les défunts musulmans.

    Was-salaamou alykum wa rahmatullaahi wa barakaatuhuu.

Arafat, Vendredi, jour d’Arafat 1443H

08 Juillet 2022.